Lorsque soudain s’incarne le concept de “vacataire”
Ces histoires de vacataires, ce sont des lubies de syndicats, des infographies dans les médias. Bien sûr, vous être contre, le précariat, tout ça.
Et puis un jour, un·e collègue malade et l’Inspection vous envoie un vacataire...
La réforme (et la disparition) des services publics passent par la casse des statuts des fonctionnaires. Actuellement, cette réforme s’appelle CAP2022 et est présentée ainsi par le gouvernement : “Action Publique 2022 : pour une transformation du service public” (Site Gouvernement.fr)
Cette réforme a été relancée il y a quelques jours par le gouvernement et prévoit notamment de « faciliter le recours aux contractuels » [1].
Dans l’Éducation Nationale, le « contractuel » est arrivé il y a quelques années sous le nom de « vacataire ».
En effet, en raison d’un management souvent pitoyable, d’une crise des recrutements et de la dévalorisation d’un métier ressenti comme de plus en plus difficile, les professeur·es viennent à manquer, notamment en éducation prioritaire [2] [3].
Pour pallier ce manque créé par les dysfonctionnement du système lui-même, il y eut l’arrivée des “vacataires” dans les écoles.
La question fut peu médiatisée mais quelques médias [4] s’étonnèrent malgré tout qu’on puisse devenir enseignant·e au contact des élèves sur un simple entretien, puisque c’est là la procédure très simple et peu sélective pour recruter un vacataire qui le lendemain s’occupera d’enfants dans une classe. Pour un salaire assez avantageux… pour l’État.
D’abord très présent·es dans le second degré sur des postes fractionnés ou en zone sensible, l’emploi de vacataires prend peu à peu de l’ampleur gagnant le premier degré et les zones rurales [5].
Le nombre de contractuels dans l’Éducation Nationale a ainsi doublé entre 2008 et 2018 et l’on en vient à embaucher « n’importe qui » [6].
Et puis un jour, le concept du vacataire s’incarne. Concrètement. Brutalement.
Extrait d’un message envoyé en février 2019 par une équipe enseignante d’une école de REP à sa hiérarchie :
M
remplaçait aujourd’hui Mme , dont il a pris la classe de CM2 […]. Lorsque je suis descendue à la récréation, j’ai vu arriver 5mn après un premier flot d’élèves de CM2, venus m’interpeler tant ils étaient horrifiés par l’attitude du maître […].
Le premier fait marquant qui m’a été rapporté, est que le maître a soulevé, pour renverser, le pupitre sur lequel <élève 1> était assis, de sorte à ce qu’il s’est retrouvé par terre, avec le pupitre renversé sur lui.
Lorsqu’il s’est dégagé, le maître s’est avancé, menaçant, acculant <élève 1> à terre contre le mur, si bien qu’il s’est cogné la tête en reculant face à la menace. Suite à cela, le maître s’est tenu au-dessus de lui, enjambant <élève 1> toujours à terre, en lui demandant : « Alors, tu veux encore jouer ? »…
M’ont été rapporté également :
– qu’il aurait violemment empoigné deux élèves par le col,
– qu’il avait exigé des élèves une posture rigidement rectiligne par rapport au pupitre : pas de jambes sur le côté, « sinon je t’arrache la jambe » (sic) ; aucun bras sous le bureau ni aucun coude appuyé sur le dossier « sinon je t’arrache le bras » (sic), pas le droit de se relaxer le poignet après avoir copié un moment, (menaces violentes sur les élèves les plus calmes, simplement parce qu’ils se tournaient le poignet après 1/4 d’heure de punition collective suite au chuchotement de 2 élèves…).
Tous les élèves ont fait l’objet de punition collective, la tâche de tous étant de copier en silence, sans s’arrêter ni lever le nez, alors que la plupart étaient exempts de reproches.
[…]
Par ailleurs, les CM1 qui ont donc eu ce Maître après la récréation m’ont rapporté les mêmes faits : menaces si tenue pas strictement droite, aucun bruit, propos menaçants violents « je t’arrache le bras » […].
[…] je suis montée récupérer les élèves de CM2 dans leur classe, pour les répartir entre les différents autre collègues. J’ai ensuite informé notre collègue remplaçant que : « compte tenu des incidents survenus dans la matinée, je ne pouvais plus lui confier ces élèves ».
Quatre jours après, cette personne était toujours devant élèves.
Dans une autre école.