Qu’est-ce qu’il faut faire pour apprendre à lire ?

, par Pierre Coutil

Au moment où revient dans les médias l’inusable et peu pertinente querelle des méthodes de lecture - querelle qui semble se conclure par une victoire de la syllabique par KO grâce au renfort décisif des neuroscientifiques -, j’ai comme chaque année poser la question suivante à mes élèves fraîchement arrivés en CP :

À ton avis, qu’est-ce qu’il faut faire pour apprendre à lire ?

Les réponses furent les suivantes :
– 4 n’en savent rien ;
– 6 pensent qu’il faut “bien écouter” (1 “bien écouter” tout court, 4 “écouter le maître”, 1 “écouter les consignes”) ;
– 1 qu’il faut “aller à l’école”, 1 qu’il faut “bien travailler” ;
– 3 font le lien avec la chose écrite (1 qu’il faut “lire des choses”, 1 qu’il faut “connaître les mots”, 1 qu’il faut “bien voir les lettres”) ;
– 1 qu’il faut “suivre les mots avec son doigt” ;
– 1 qu’il faut “essayer” ;
– 1 qu’il faut écrire.

Le flou autour de cet apprentissage est récurrent tous les ans, en dépit de la liaison GS-CP mise en place pour muscler la métacognition (comme on dit).
Mais ce qui me frappe cette année, c’est que pour près de la moitié des élèves, cet apprentissage semble passer par une soumission au système (“bien écouter”, “bien travailler”). Comme si la lecture n’avait pas une existence autonome. Pourtant, ces enfants, pour la plupart, ont un projet de lecteur (comme on dit).

Symptomatique du système éducatif français ? On travaille pour l’enseignant, pour se conformer plutôt que pour soi, pour “grandir” ?
On est loin de l’émancipation, dont l’apprentissage de la lecture est pourtant une étape essentielle.